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, la taille noble, l’air sérieux, doux et modeste attirèrent mon attention. Elle pensoit finement, et l’exprimoit avec simplicité. Je demandai qui elle étoit ; j’appris qu’elle se nommoit madame de Gremonville, et qu’elle étoit dévote par état. Sa figure, son esprit et son maintien me frappèrent, et firent impression sur mon cœur. Je n’osai lui demander la permission d’aller chez elle : son état et le mien ne sembloient pas compatir, et je ne voulus rien brusquer ; mais je me proposai bien de venir souvent dans cette maison, où j’appris qu’elle se trouvoit ordinairement, et j’exécutai mon projet. Je voyois donc assez souvent madame de Gremonville chez ma parente. J’étois moins sensible à ses attraits, qu’au plaisir de voir en elle la simple nature ou du moins ses apparences. Elle ne mettoit point de rouge, ce qui étoit une nouveauté pour moi, et le calme du régime ajoutoit encore à sa beauté. Je sentois qu’elle me plaisoit infiniment ; j’étudiais ses sentimens, je n’étois occupé qu’à les flatter : elle y paroissoit sensible ; mais je n’osois pas encore me déclarer.

Ce qui commença à me donner quelqu’espérance, fut d’apprendre qu’elle n’avoit embrassé l’état de la dévotion, que pour ramener l’esprit de son mari, qu’une affaire assez vive avec un jeune homme avoit un peu éloigné d’elle. Son premier