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Il est vrai qu’elle n’avoit pas même l’apparence du tempérament, et que la complaisance et les ouï-dire la déterminoient uniquement. Elle prenoit un amant comme un meuble d’usage, c’est à-dire de mode : sans les faveurs il se retire, il faut bien consentir à lui en accorder. Les lettres qu’elle écrivoit, partoient du même principe ; on trouvoit à la fin quelques mots tendres consacrés par l’usage, le reste avoit toujours la dissipation pour objet. Son mari, qui étoit un fort galant homme, avoit si bien senti l’impossibilité de fixer un tel caractère, qu’il ne la contraignoit en rien, et s’étoit rassuré sur l’indifférence que la nature lui avoit donnée en naissant : on voit qu’il n’y gagnoit pas davantage. Indépendamment de toutes les raisons frivoles et des motifs ridicules de madame de Persigny pour avoir toujours un amant en titre et des aspirans, l’envie d’avoir quelqu’un absolument à ses ordres, l’engageoit à en conserver toujours un, qui ne devoit pas être infiniment flatté d’une préférence dont le hasard décidoit ; mais elle étoit jolie et brillante, il n’en faut pas tant dans le monde pour être recherchée.

Je ne fus pas long-temps sans ressentir tous les dégoûts et toutes les peines d’une vie aussi agitée. L’imagination de madame de Persigny n’étant jamais arrêtée, l’on ne pouvoit être sûr