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Elle se croyoit nécessaire partout, il n’y avoit rien que l’on pût voir, point d’endroit où l’on pût aller, que l’on n’y trouvât madame de Persigny. Un de ses désirs eût été de pouvoir, comme les jeunes gens, se montrer dans le même jour à plusieurs spectacles ; mais, pour s’en dédommager, elle paroissoit à toutes les promenades. Les calèches de goût, les attelages brillans la promenoient sans cesse aux environs de Paris ; souvent elle alloit souper avec sa compagnie dans des maisons de campagne pendant l’absence de leurs maîtres, et le traiteur ne lui déplaisoit pas. Il n’y avoit rien qu’elle ne préférât à l’ennui d’être chez elle et au chagrin de se coucher. Trop vive pour s’assujétir à une partie de jeu, elle la commençoit et la quittoit à moitié ; mais elle aimoit la table, et elle y étoit charmante. Ce fut à un souper que je la connus ; il fut poussé fort avant dans la nuit. Née coquette, elle s’aperçut de l’impression qu’elle faisoit sur moi, et redoubla ses coquetteries. En sortant de table, elle proposa d’aller à Neuilly : cette folie étoit alors dans sa nouveauté, je l’acceptai avec plaisir ; je la suivis avec une de ses amies, je la ramenai chez elle, et la quittai avec une ample provision de parties méditées et de projets sans nombre pour lesquels elle m’engagea. Je consentis à tout : j’avois envie de lui plaire, ou plutôt de l’avoir ; et