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tout ce que l’amour nous inspiroit à l’un et à l’autre dans cet instant. Nous ne pouvions demeurer dans ce lieu que le temps qu’il nous falloit pour prendre les mesures capables d’assurer notre bonheur. J’exigeai qu’il reparût au Ridotte ; je revins chez moi uniquement occupée de mon amour. Mon mari, ma maison, mes gens, tout ce qui l’environnoit, prit une forme nouvelle et désagréable à mes yeux. J’avois une vie nouvelle à arranger, je voulois être informée de toutes les démarches de mon amant. Que d’idées, que de projets occupoient mon esprit ! mais j’éprouvai que l’amour sait applanir toutes les difficultés. J’envoyai mon gondolier reconnoître encore la maison de mon amant, regarder, examiner et observer les plus petites circonstances. J’aurois voulu prendre ce soin. Carle reconnut mon gondolier, et lui donna un billet pour moi ; il me parut vivement écrit, l’amour l’avoit dicté, l’amour le lisoit. J’accablai de questions celui qui me le rendit, je voulus savoir comment il avoit été reçu ; mon impatience m’empêchoit d’apporter aucun ordre dans mes questions, et me les faisoit précipiter ; une nouvelle question me paroissoit toujours plus importante que la dernière. J’appris que sa maison donnoit sur un petit canal assez proche de mon