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un moment pour demander mon nom, et je l’avois remarqué avec plaisir ; mon trouble, en le voyant, fut extrême ; il n’étoit pas masqué, je pouvois lire sur son visage les impressions que je faisois sur lui. Mes yeux saisissoient avec vivacité ses moindres mouvemens. Notre conversation étoit animée par cette curiosité qui réveille tous les sens, qui cherche et qui fait à chaque instant des découvertes nouvelles. Je le trouvai instruit de tout ce qui pouvoit me regarder ; je jugeai par moi-même que cette curiosité n’est jamais la suite de l’indifférence. Je voulus savoir l’impression que mes traits feroient sur lui ; je lui fis signe de me suivre, il m’obéit. Nous sortîmes du Ridotte, et nous entrâmes dans un de ces cafés dont il est environné ; je me fis ouvrir une chambre particulière. Sitôt que nous fûmes seuls, il me pria de me démasquer, je cédai à son impatience. Que l’amour-propre dans ces instans est soumis à l’amour ! J’attendois mon arrêt, un coup d’œil alloit le prononcer. Mon âme étoit suspendue ! Je remarquai dans les yeux de mon amant une joie qui pénétra mon âme. Son empressement, la vivacité de ses désirs et de ses caresses me faisoient craindre qu’il ne l’emportât sur moi en amour, et mit le comble à ma passion. Je ne puis exprimer aujourd’hui