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Lettre de la signora Marcella, à la signora Maria[1].


« Qui peut soulager les peines de mon cœur, ma chère amie ? Qui peut effacer de mon esprit le souvenir de mes plaisirs passés ? Que vous êtes heureuse avec votre amant ! Vous êtes ensemble à la campagne, et n’avez point d’obstacle dans votre passion ; la maison délicieuse où vous le possédez ajouteroit encore aux plaisirs de l’amour, s’il avoit besoin d’autre chose que de lui-même. Paris fait aujourd’hui l’objet de tous mes vœux ; cette ville, si heureuse pour les femmes, et si funeste pour moi, est la patrie du signor Carle[2] ; il l’habite à présent, et je n’y saurois être, je ne puis que m’affliger. Souffrez, ma chère amie, que, pour soulager ma douleur, je vous retrace les impressions que l’amour a faites sur mon cœur ; vous jugerez si l’on peut en ressentir plus vivement les fureurs.

» Vous savez que j’ai vécu pendant cinq ans avec mon mari dans une union tranquille ; je

  1. On s’est cru obligé de traduire cette lettre pour ceux qui n’entendoient pas l’italien avec la même facilité que le françois.
  2. Les Italiennes, accoutumées à ces noms, les donnent plus volontiers à leurs amans que leurs noms de famille.