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m’écouta par vanité, et je la pris parce que je n’avois rien de mieux à faire. Elle n’étoit que médiocrement jolie ; mais la nécessité et la jeunesse ne me rendoient pas difficile. Mon prédécesseur dans ses bonnes grâces, étoit un jeune officier d’infanterie parfaitement bien fait. L’honneur de la couche de madame l’intendante l’avoit flatté ; et, par ses soumissions aveugles, il avoit séduit son orgueil ; mais il me fut sacrifié. J’étois obligé d’essuyer l’ennui des discours de l’intendante sur les prérogatives de sa place. On ne conçoit pas les hauteurs qu’elle avoit en ma présence avec tous les autres ; enfin elle n’oublioit rien et outroit tout pour me persuader de la dignité et de l’éminence de l’intendance, et pour me faire oublier qu’étant souveraine en province, elle n’étoit qu’une bourgeoise à Paris.

Cependant tout annonçoit la paix, et elle fut bientôt conclue. J’avois toujours eu envie de voyager, et sur-tout de voir l’Italie : je me trouvois assez à portée d’y passer du lieu où j’étois ; je demandai un congé, et je l’obtins.

Les charmes de madame l’intendante ne furent pas capables de m’arrêter ; le commerce que j’avois avec elle n’étoit apparemment attaché qu’à la ville où je l’avois rencontrée ; car, l’ayant retrouvée l’année suivante à Paris, il ne fut jamais mention de rien qui eût rapport à ce qui