Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donna aussitôt de descendre pour me faire arrêter, et je descendis en enrageant. Mais à peine cet officier, qui étoit de mon régiment, m’eut-il reconnu qu’il fit un éclat de rire. Quoi ! c’est vous, dit-il, mon colonel ? Et que diable allez vous donc faite par ce balcon ? Je croyois vos affaires plus avancées. Morbleu ! lui dis-je, je le croyois aussi ; mais une sotte complaisance pour une folle..... Allez, allez, reprit-il, vous n’êtes point fait pour prendre cette voie-là : on ne doit faire entrer aujourd’hui par une fenêtre que ceux qu’on y peut faire sortir ; frappez à la porte, et faites-vous ouvrir. Il se mettoit déjà en devoir d’exécuter ce qu’il me disoit ; mais je l’en empêchai, et je me retirai chez moi plein de dépit.

Une aventure arrivée à un colonel dans une garnison ne peut pas être secrète ; la mienne fut publique le lendemain. J’avois eu le temps de me remettre, et je me prêtai de bonne grâce à toutes les plaisanteries. Les plus mauvaises que j’eus à essuyer, furent celles de l’intendante. Elle me dit que le commerce de la bourgeoisie étoit au-dessous de moi, et qu’elle avoit à se plaindre de ce que je la négligeois. Il est vrai que j’y allois peu. L’insipide fatuité qui régnoit à l’intendance m’en avoit écarté. Monsieur l’intendant étoit un petit homme plein de prétentions, d’une mine basse, d’un air fat, d’un esprit faux, d’un babil