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mots, elle se débarrassa de mes bras, et prit la fuite dans les détours du bosquet, sans qu’il me fût possible de la retrouver. Pendant cette recherche inutile, le jour parut, et je fus obligé de me retirer.

Quand je fus de retour chez moi, je trouvai dans ma poche un écrin de diamans d’un grand prix, qu’elle avoit eu l’adresse d’y mettre sans que je m’en aperçusse. Je passai mille fois sous la même fenêtre dans l’espérance de donner des lettres, d’en recevoir, et de remettre l’écrin ; mes soins furent inutiles, je ne vis rien. Je demandai à parler à l’abbesse ; je lui dis que j’avois des choses de la dernière conséquence à communiquer à une dame qui étoit dans sa maison, et dont je lui fis le portrait : l’abbesse feignit de ne la pas connoître. Je jugeai par ses réponses qu’il étoit inutile d’insister davantage, et je me retirai au désespoir.

Quelques jours après, je reçus ordre d’assembler le régiment, et de joindre l’armée : je le fis défiler devant l’abbaye ; je me flattois que mon départ feroit naître l’envie de me donner une dernière consolation, mais je n’aperçus rien, et fus obligé de partir le cœur pénétré de douleur.

Il n’y eut que les opérations de la campagne qui furent capables de me distraire du chagrin