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résoudre à venir ici. Non, s’écria la femme voilée, elle n’est point morte votre chère Antonia. La voix et l’expression me manquèrent en reconnoissant la marquise elle-même ; je tombai à ses pieds, elle demeura appuyée sur moi en éprouvant le même trouble. Quand ce tendre saisissement fut passé, nous nous fîmes toutes les questions imaginables ; je lui reprochai de m’avoir laissé ignorer si long-temps le lieu de son séjour. Elle m’apprit que son frère m’avoit fait passer pour infidèle dans son esprit, et n’avoit pas laissé parvenir ma lettre jusqu’à elle : la douleur que cette nouvelle me causa, ajouta-t-elle, et l’éclat de la malheureuse aventure qui m’étoit arrivée, me déterminèrent à prier mon frère de me donner les moyens de vivre et de mourir ignorée. Il répandit le bruit de ma mort ; et me conduisit lui-même dans cette abbaye où personne ne me connoît. J’y mourrai contente puisque vous m’êtes fidèle ; c’est tout ce que je pouvois espérer dans le cruel état où l’amour m’a réduite ; je n’ai pu résister au plaisir de vous entretenir encore une fois : la manière et le lieu sont suspects, mais mes intentions sont pures ; ne cherchez point à me revoir, je vais chercher à vous oublier. Le sacrifice que je prétends faire de vous à celui qui m’a donné l’être, est complet ; adieu, je ne tiens plus au monde. En disant ces