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montai à cheval, je la pris dans mes bras, et nous arrivâmes à la pointe du jour dans le château. Nous fîmes éveiller aussitôt le comte, son frère, et l’on nous fit entrer dans sa chambre, sans avoir été vus que par un seul domestique. Il frémit au récit de l’aventure cruelle qui venoit d’arriver à sa sœur ; il l’aimoit, il la plaignit, et lui donna tous les secours possibles : ses blessures ne se trouvèrent pas mortelles. Il me conseilla de me tenir caché le reste du jour ; et, quand la nuit fut venue, il me dit que le service que j’avois rendu à sa sœur, lui faisoit oublier la vengeance que j’avois tirée de son beau-frère. Ma sœur m’a tout avoué, ajouta-t-il ; elle veut que je sauve vos jours, vous lui êtes cher, et l’amitié que j’ai pour elle, et la confiance que vous m’avez témoignée, en choisissant ma maison pour asile, m’engagent à favoriser votre fuite. Je vais vous donner un homme qui vous conduira sûrement à Madrid par des chemins détournés. Je le conjurai de me laisser voir la marquise ; mes prières furent inutiles. Elle m’a chargé, reprit-il, de vous remettre ce paquet ; je tiens ma parole, et ne puis faire autre chose. En achevant ces mots, il me conduisit dans la cour, où celui qui devoit me servir de guide, m’attendoit avec mon cheval, et nous partîmes aussitôt.

J’avois le cœur déchiré : je m’éloignois d’une