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rivâmes dans la basse-cour d’un château qui me parut considérable. Je mis pied à terre ; le Maure prit mon cheval, et me fit signe de monter par un petit escalier formé dans une tour. J’y trouvai Clara qui m’attendoit : Venez, me dit-elle, le plus heureux de tous les hommes. Elle me conduisit avec une lanterne sourde dans un cabinet, d’où je passai dans un appartement superbe où la belle Antonia m’attendoit. Vous triomphez de toutes mes craintes, me dit-elle, je goûte le plaisir de vous posséder chez moi malgré tous les périls que je puis courir ; j’espère que le bonheur que j’ai de vous voir, ne sera point interrompu ; mais, en cas d’accident, vous pourrez vous retirer : le Maure tient votre cheval au bas de l’escalier. J’employai les termes les plus touchans pour exprimer ma reconnoissance et mon amour. Nous étions dans ces transports de l’âme que l’amour seul fait connoître, et qui sont au-dessus de l’expression, quand nous entendîmes un grand bruit dans la chambre qui précédoit celle où nous étions : Fuyez, me dit Antonia avec transport ; je suis trahie, je périrai ; mais je ne m’en plaindrai pas, si je, puis vous croire en sûreté. Dans l’instant même on enfonça la porte, et je vis entrer un homme transporté de fureur et suivi de deux valets armés ; il tenoit son épée d’une main, et de l’autre un poi-