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nite. Je la priai de m’apprendre à qui j’avois le bonheur de parler. Vous le saurez un jour, me dit-elle ; ne cherchez point à pénétrer un mystère dont la découverte ne vous est d’aucune utilité ; méritez, par un amour et une discrétion sans bornes, le bonheur que je vous prépare. Alors la fidèle Clara nous servit un léger repas. J’étois enchanté de toutes les grâces que je découvrois dans la belle espagnole ; tout respiroit en elle la volupté, et m’annonçoit un bonheur que j’obtins quelques momens après, et qui surpassa mes désirs. Vous ne m’aimerez pas longtemps, me disoit Antonia ; ma conquête vous a trop peu coûté. Vous ignorez tous les combats que j’ai soutenus ; je vous aime depuis le jour de votre arrivée : vous passâtes sur la grande place à la tête de votre régiment ; je vous vis d’une fenêtre grillée. Que n’ai-je point fait pour bannir l’impression que votre vue a faite sur mon cœur ! Je vous fuyois mal apparemment, car je vous rencontrois toujours.

Nous passâmes la nuit et toute la journée suivante au milieu des plaisirs et des tendres inquiétudes que la passion donne aux amans, et sur lesquelles les plaisirs les rassurent sans cesse. Quand nous fûmes au moment de nous séparer, Antonia leva les carreaux sur lesquels elle étoit assise, et prit une épée d’or garnie de quelques