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m’en deviendra encore plus cher, si vous vous en rendez digne. Après un tel aveu, je ne dois rien vous cacher : vous êtes d’une religion différente de la mienne, et ce point est le seul obstacle au goût que je sens pour vous. Si vous m’aimez, si les sentimens que je crois lire dans vos yeux, sont sincères, il faut commencer par embrasser ma religion. Je voulus alors prendre une de ses belles mains et la baiser, pour éviter une profession de foi qui me paroissoit assez déplacée ; mais à peine l’eus-je touchée qu’elle s’écria : Donnez-moi promptement de l’eau bénite, ma chère Clara. En effet, elle lui apporta un bénitier dans lequel elle trempa un linge dont elle essuya l’endroit que j’avois touché, avec un si grand soin et une attention si marquée que je ne pus m’empêcher de sourire ; mais, ne voulant point choquer ses préjugés, je pris le parti de lui dire quelle étoit ma religion ; et l’amour me rendit peut-être plus catholique que je ne l’avois jamais été.

Que la voix d’un homme qu’on aime persuade aisément ! me dit-elle ; elle triomphe de toutes les résolutions : je n’ai pu vous convaincre, vous m’avez persuadée. Je vous aime apparemment plus que vous ne m’aimez, et c’est un avantage que je saurai conserver sur vous. Je baisai alors une de ses mains, sans qu’elle eût recours à l’eau bé-