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tes ; et j’entendis une voix qui me dit : Trouvez-vous ce soir à l’heure de l’oraison sur le bord du Tage, et suivez la personne qui vous abordera en vous présentant un bouquet ; adieu, sortez de l’église sans témoigner la moindre curiosité. Le son de cette voix me parut si flatteur que je me sentis ému. Je me rendis au lieu marqué deux heures plutôt qu’on ne m’avoit ordonné, et je vis paroître celle qui devoit me présenter le bouquet ; elle me dit de la suivre, je lui obéis : il étoit nuit ; nous marchâmes quelque temps pour trouver une calèche dans laquelle nous montâmes. Votre jeunesse et votre figure, me dit-elle, ont fait une vive impression sur le cœur de dona Antonia, ma maîtresse ; l’amour lui a fait oublier tous les dangers d’une entrevue ; et l’on vous aime malgré la différence de votre religion. Quelle consolation pour dona Antonia, si son exemple et ses discours pouvoient vous ramener au sein de l’église ! Je suis sa nourrice, c’est vous dire combien je l’aime ; mais l’espérance de votre conversion m’a plus déterminée à la servir aujourd’hui, que ma tendresse pour elle. Vous allez juger dans quelques momens de la beauté de ma maîtresse ; elle est dans une maison qui m’appartient ; rendez-vous digne de posséder le cœur de la plus belle femme de toutes les Espagnes.