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les ne lui sont pas suspectes, le sang qui nous unit les autorise ; on sera surpris de mon éloignement, on en cherchera les raisons, et celles que l’on suppose sont toujours plus injurieuses que les véritables. Monsieur, reprit madame de Luz, je suis très-sensible à vos craintes ou à vos égards ; mais des scrupules imaginaires ne doivent pas balancer un péril certain pour mon repos et pour mon honneur ; vous avez d’ailleurs un moyen bien simple de me satisfaire, sans courir tous les risques que vous paroissez appréhender ; vous pouvez aller quelque temps à la campagne, les prétextes en sont toujours prêts. Je vous en prie par l’amitié que j’ai toujours eue pour vous, et qui, dites-vous, vous est chère : je vous l’ordonne, si j’ai quelque droit sur votre cœur ; et si ces motifs ne sont pas capables de vous déterminer, mon ressentiment me fournira d’autres moyens pour vous interdire ma présence.

M. de Saint-Géran alloit sans doute répliquer ; et peut-être eût-il promis d’obéir aux ordres de madame de Luz : le respect d’une passion naissante est plus sûr que la reconnoissance d’un amour heureux et satisfait. Mais le baron de Luz rentra dans ce moment. Son arrivée les troubla l’un et l’autre ; le baron n’y fit pas attention. Les personnes qui ont passé l’âge des passions, ou qui n’en ont jamais connu les égare-