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marque toujours un espoir outrageant. Quelque amitié que j’aie eue jusqu’ici pour vous, quoique les liens du sang pussent la faire naître et l’autoriser, je ne sais si je puis encore, sans crime, la conserver à un homme qui m’estime assez peu pour oser espérer davantage. Eh quoi ! madame, reprit M. de Saint-Géran, ne suis-je pas assez malheureux ? pourquoi voulez-vous que je sois coupable ? De grâce, n’ajoutez pas à mon malheur ; rien ne peut l’adoucir que l’amitié dont vous m’honoriez. Ne me la refusez pas, cette cruelle amitié. Je craindroit, dit madame de Luz, que mes sentimens, qui jusqu’à ce jour étoient innocens, ne cessassent de l’être, ou du moins ne fussent dangereux à mon repos : cependant je vous les conserverai toujours, si vous continuez à les mériter en vous défaisant des vôtres ; j’en crains trop les suites ; et, si vous voulez me persuader de la sincérité de votre repentir, j’exige que vous cessiez de me voir : De vous voir, madame, s’écria M. de Saint-Géran ! Oui, monsieur, reprit-elle aussitôt, du moins pendant quelque temps ; j’en vois la nécessité, et pour vous et pour moi. Madame, ajouta M. de Saint-Géran, quoique vous exigiez le plus cruel sacrifice, je respecterois assez vos ordres pour m’y soumettre ; mais daignez faire attention que le public est témoin de mes visites : el-