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trouvèrent seuls. Une entrevue particulière, après laquelle les amans soupirent ordinairement, étoit l’objet de la crainte de deux personnes qui, loin de s’être communiqué leurs sentimens, n’osoient pas se les avouer à eux-mêmes.

Le marquis de Saint-Géran s’étant un jour présenté chez M. de Luz, ses gens lui dirent qu’il étoit sorti pour quelques affaires, et que madame de Luz étoit un peu incommodée.

M. de Saint-Géran, que l’idée du tête à tête avoit d’abord ému, voulut se retirer, en disant qu’il craignoit de l’importuner, lorsqu’un valet de chambre lui dit que les ordres n’étoient pas pour lui, et que M. de Luz avoit même ordonné, en sortant, qu’on allât le prier de venir tenir compagnie à madame. Le valet de chambre, sans attendre la réponse du marquis, s’avança en même temps vers l’appartement de madame de Luz, et annonça M. de Saint-Géran.

Madame de Luz fut encore plus interdite que le marquis. Il la salua d’un air mal assuré ; leur embarras étoit égal. Cependant M. de Saint-Géran, faisant effort pour dissiper son trouble : Madame, lui dit-il, vos gens viennent de m’apprendre que vous étiez indisposée. Il est vrai, monsieur, lui répondit-elle. Ils furent ensuite, l’un et l’autre, quelque temps sans parler. Tous deux craignoient de laisser pénétrer leurs sentimens ; tous