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séduite, ne devroit-on pas regarder sa foiblesse plutôt comme un malheur que comme un crime : car enfin la vertu est dans le cœur, mais la malignité humaine ne veut juger ici que sur l’extérieur, quoique, dans d’autres occasions, elle cherche à développer le principe secret des actions les plus brillantes, pour en diminuer le prix et en obscurcir l’éclat. Quels sont donc les avantages d’une vertu si difficile à soutenir ? Étrange condition que celle d’une femme vertueuse ! Les hommes la fuient, ou la recherchent peu ; les femmes la calomnient ; et elle est réduite, comme les anciens stoïciens, à aimer la vertu pour la vertu seule.

La baronne de Luz est un des plus singuliers exemples du malheur qui suit la vertu. Elle étoit fort jeune lorsqu’elle épousa le baron de Luz. C’étoit un homme déjà avancé en âge, d’une probité reconnue, et qui, sans avoir aucune des qualités brillantes, avoit toutes les essentielles. Il auroit pu rendre heureuse une femme dont l’âge eût été plus assorti au sien, et dont les devoirs n’eussent été troublés par aucune passion.

Madame de Luz étoit bien éloignée d’un état si tranquille. Peut-être ignoroit-elle encore elle-même le véritable état de son cœur, lorsqu’on disposa de sa main ; mais elle ne fut pas longtemps sans le connoître. Elle avoit été élevée a-