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tache le plus à ma femme, c’est que je lui dois cette vertu précieuse, et sans doute elle me chérit comme son ouvrage. Je vis content, puisque je suis persuadé que l’état dont je jouis est le plus heureux où un honnête homme puisse aspirer.

C’est madame de Selve qui m’a fait connoître de quel prix est une femme raisonnable. Jusque là je n’avois point connu les femmes ; j’en avois jugé sur celles qui partageoient mes égaremens, et j’étois injuste à l’égard de celles-là mêmes. De quel droit osons-nous leur reprocher des fautes dont nous sommes les auteurs et les complices ? La plupart ne sont tombées dans le dérèglement, que pour avoir eu dans les hommes une confiance dont ils ne sont pas dignes. Plusieurs n’auroient jamais eu de foiblesses, si elles n’eussent pas eu l’âme tendre, qualité qui naît encore de la vertu.

Les deux sexes ont en commun les vertus et les vices. La vertu a quelque chose de plus aimable dans les femmes, et leurs fautes sont plus dignes de grâce par la mauvaise éducation qu’elles reçoivent. Dans l’enfance on leur parle de leurs devoirs, sans leur en faire connoître les vrais principes ; les amans leur tiennent bientôt un langage opposé. Comment peuvent-elles se garantir de la séduction ?

L’éducation générale est encore bien imparfaite, pour ne pas dire barbare ; mais celle des