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mens me faisoient rougir des miens ; mais ils ne me corrigeoient pas. Ce n’étoit pas la raison qui devoit me ramener et me guérir de mes erreurs ; il m’étoit réservé de me dégoûter des femmes par les femmes mêmes. Bientôt je ne trouvai plus rien de piquant dans leur commerce. Leurs figures, leurs grâces, leurs caractères, leurs défauts même, rien n’étoit nouveau pour moi. Je ne pouvois pas faire une maîtresse qui ne ressemblât à quelqu’une de celles que j’avois eues. Tout le sexe n’étoit plus pour moi qu’une seule femme pour qui mon goût étoit usé, et, ce qu’il y a de singulier, c’est que madame de Selve reprenoit à mes yeux de nouveaux charmes. Sa figure effaçoit tout ce que j’avois vu, et je ne concevois pas que j’eusse pu lui préférer personne. L’habitude, qui diminue le prix de la beauté, ajoute au caractère, et ne sert qu’à nous attacher. D’ailleurs, mon inconstance pour madame de Selve lui avoit donné occasion de me montrer des vertus que je croyois au-dessus de l’humanité, et que mon injustice avoit fait éclater. Madame de Selve reprit tous ses droits sur mon cœur, ou plutôt ce n’étoient plus ces mouvemens vifs et tumultueux qui m’avoient d’abord entraîné vers elle avec violence, et qui étoient ensuite devenus la source de mes erreurs ; ce n’étoit plus l’ivresse impétueuse des sens : un