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luma pour elle. Je n’avois dessein de lui sacrifier madame Dorsigny que comme une condition de notre réconciliation, et dans ce moment je lui aurois sacrifié l’univers. Je la conjurai de reprendre pour moi ses premiers sentimens, et d’accepter ma main pour gage des miens. Toutes mes protestations furent inutiles. Je trouvai madame de Selve également tendre dans l’amitié, et ferme dans sa résolution. Tous les droits de l’amant m’étoient interdits. Je vécus ainsi deux mois avec elle, sans la quitter un moment, sans voir aucune femme, et sans rien gagner par ma persévérance.

Enfin, désespérant de la fléchir, et n’osant la condamner, je cessai de la presser. Je me soumis à ses ordres, et je repris mes anciennes habitudes. Madame de Selve, qui le remarqua, fut la première à m’en parler, et je l’assurai qu’aussitôt qu’elle le voudroit, je lui sacrifierois tout pour revenir à elle. Je la voyois aussi assidûment que jamais ; parce que sa présence ne m’embarrassoit pas, et que je n’étois plus occupé à lui cacher mes intrigues et mes remords.

Elle me parloit de mes maîtresses, elle m’en faisoit le portrait, et me donnoit des leçons pour ma conduite. J’admirais toujours la justesse de son esprit. Je ne lui faisois pas une infidélité, si je puis encore me servir de ce terme dans la