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reux d’accepter toutes les conditions qu’elle voudroit m’imposer.

J’y allai avec toutes ces craintes. Je l’abordai en tremblant. Elle me reçut avec un sérieux où je ne remarquai point d’indignation ; je n’osois cependant ouvrir la bouche. Enfin, après mille combats que j’éprouvois intérieurement, je lui dis que je venois à ses pieds, comme un coupable, lui demander une grâce dont je sentois que je n’étois pas digne. Madame de Selve eut pitié de mon trouble ; elle ne me laissa pas continuer un discours qu’elle jugeoit qui me coûtoit si fort.

Je vois, me dit-elle, que vous commencez à connoître vos torts ; mais peut-être ne vous reprochez-vous pas tous ceux que vous avez, et qui m’ont été les plus sensibles. Vous savez que je vous ai tout sacrifié ; ne croyez pas que les sens m’aient séduite. Ce n’est pas que je n’aie partagé vos plaisirs ; mais l’amour seul m’a déterminée. Je n’ai jamais eu d’autre désir que celui de faire votre bonheur. Ce n’est pas à vos sermens que je me suis rendue : ils engageoient votre probité ; mais ils ne sont pas le lien des cœurs, et je n’ai consulté que le mien. Vous n’en étiez pas moins obligé de les remplir ; cependant j’ai vu combien vous craigniez que je ne vous en rappelasse l’idée, je n’en ai rien fait. Je vous aurois peut-être exposé au comble des mauvais