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d’attentions qu’elle ne lui marquât ; il n’y avoit que l’excès de ses égards qui pût en déceler les motifs, c’est-à-dire sa compassion généreuse. Ils échappèrent à madame Dorsigny. Elle n’avoit ni le cœur assez délicat, ni l’esprit assez pénétrant pour démêler des principes de probité si peu communs. Madame Dorsigny se rassura, et crut que sa rivale n’avoit rien aperçu ; car elle ne supposoit pas qu’une femme, avec tant d’avantage, pût n’en pas abuser. Sa gaîté revint avec sa santé, et, avant la fin du souper, elle fut aussi vive et aussi étourdie qu’elle eût jamais été. Madame de Selve étoit charmée que madame Dorsigny eût pris le change.

J’en jugeai différemment. Tout ce qui portoit le caractère de vertu me faisoit reconnoître madame de Selve. Elle étoit plus sensible au plaisir de rassurer madame Dorsigny, qu’elle ne l’eût été à sa reconnoissance que celle-ci n’eût éprouvée qu’aux dépens de son bonheur.

Je n’osois regarder madame de Selve, et je craignois encore plus de me trouver seul avec elle. Je ne voulois pas tirer madame Dorsigny de l’erreur où elle étoit ; mais je brûlois d’impatience d’être à Paris, où nous revînmes le lendemain.

La conduite que madame de Selve avoit tenue dans cette occasion, m’ouvrit les yeux. Je com-