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qu’elle ne me rappelât une parole dont son honneur dépendoit, et j’en redoutois le moment. Elle ne m’en disoit pas un mot ; elle attendoit sans doute que la proposition vînt de ma part. Je profitois de sa délicatesse pour n’en point avoir, et j’écartais tout ce qui pouvoit lui en rappeler l’idée. Madame de Selve ne me faisoit pas même le moindre reproche sur mes absences.

D’un autre côté, madame Dorsigny, plus vaine que jalouse, puisqu’il n’y avoit point de véritable amour entre elle et moi, prétendoit que ma liaison d’amitié avec madame de Selve lui étoit suspecte ; elle me défendoit de la voir, et j’avois la lâcheté de le lui promettre. J’étois dans la situation la plus cruelle. Le bonheur ou le malheur de la vie dépend plus de ces petits intérêts frivoles en apparence, que des affaires les plus importantes. Plus de sincérité ou d’équité m’auroit épargné bien des peines.

J’étois dans cet état, lorsqu’un de mes parens, qui vivoit ordinairement dans une terre peu distante de Paris, vint solliciter une affaire qu’il avoit à la cour. Je m’y employai assez utilement pour la faire terminer à sa satisfaction. Avant de retourner chez lui, il voulut me donner à souper. J’y allai. Il me dit en entrant, avec un air de contentement, qu’il avoit eu soin de me donner compagnie qui me seroit agréable ; qu’une de ses