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n’en manquent point, bonne ou mauvaise. J’y avois été mené par un de mes amis, qui n’avoit pas d’autre droit de m’y présenter que d’y avoir été mené lui-même depuis huit jours. J’y soupai plusieurs fois. La vivacité de madame Dorsigny m’amusa : elle me parut propre à me délasser du sérieux où je vivois avec madame de Selve. Les véritables passions et le vrai bonheur s’accommodent mieux du caractère de madame de Selve ; mais un simple commerce de galanterie veut plus d’enjouement.

La petite madame Dorsigny, qui avoit entendu parler de ma liaison avec madame de Selve, me parla d’elle comme les femmes parlent les unes des autres, c’est-à-dire qu’elle fit l’éloge de sa figure et de son esprit avec tous les mais et les si qui sont d’usage en pareilles occasions. J’y répondis comme je le devois. Je rendis justice à madame de Selve, en ajoutant qu’il n’y avoit jamais eu entr’elle et moi qu’une liaison d’amitié ; c’étoit assez dire que j’en pouvois avoir une autre. Cet entretien me servit de déclaration ; sans amour j’offrois mon cœur à madame Dorsigny ; et elle le reçut de même.

Elle crut avoir effacé de mon âme madame de Selve ; pour moi, je savois bien que je ne faisois que remplacer quelqu’un dont le temps étoit fini. Je fus aussitôt reconnu dans la société pour