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quand on la veut réduire en principes. Si je ne cherchai pas mes anciens amis de plaisirs qui s’étoient dispersés, je crus du moins devoir vivre en société. Paris en est plein ; on n’est pas obligé de les rechercher : il suffit de ne les pas fuir. J’allai chez madame de Selve un peu moins assidûment, c’est-à-dire que je n’y allois pas tous les jours, ou du moins je faisois mes visites un peu moins longues, ce qui suppose qu’elles commençoient à me le paroître. Le goût que j’avois eu autrefois pour les spectacles, et que madame de Selve avoit suspendu, parce qu’elle y alloit peu, et que je ne pouvois vivre qu’aux lieux où elle étoit, se réveilla chez moi, et j’y retournai. J’y trouvois ordinairement quelques-uns de mes amis qui m’emmenoient souper avec eux.

La première fois que je manquai de revenir chez madame de Selve, où je soupois toujours, elle en fut extrêmement inquiète ; elle craignit qu’il ne me fût arrivé quel qu’accident. Dès le lendemain matin, elle envoya savoir de mes nouvelles. J’allai aussitôt la voir ; elle me fit de tendres reproches. Il ne me sembloit pas que je les eusse mérités ; cependant j’en fus embarrassé, et je rougis. Il faut qu’il y ait en nous-mêmes un sentiment plus pénétrant que l’esprit même, et qui nous absout ou nous condamne avec l’équité la plus éclairée. Il y a, si j’ose dire, une