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ponse me satisfit, et ma curiosité n’alla pas plus loin. Elle me reprochoit quelquefois de n’avoir pas assez soin de ma figure, et, quand je revenois de la chasse, sous prétexte d’en réparer les désordres, elle passoit la main dans mes cheveux, elle me faisoit mettre à sa toilette, et vouloit elle-même me poudrer et m’ajuster. Comme elle coloroit toutes les caresses qu’elle me faisoit, de l’amitié qu’elle avoit pour ma parente, et des liaisons qu’elle avoit avec toute ma famille, je ne m’attribuois aucune de ses bontés, et j’ai souvent pensé depuis à l’impatience que je devois lui causer. Cependant elle se contraignoit, elle craignoit de s’exposer aux ridicules que pouvoit lui donner un amour qui, par la disproportion de nos âges, devoit être regardé comme une folie. D’ailleurs, elle savoit que son amant étoit clairvoyant : elle n’auroit pas été fort sensible à sa perte ; mais elle craignit l’éclat d’une rupture.

Ces réflexions rendirent la marquise plus réservée avec moi ; je m’en aperçus, je lui en fis quelques reproches plus remplis d’égards que de sentiment. Pour me consoler, elle me dit que je la verrois à Paris, si je continuois à la laisser se charger du soin de ma conduite, et me promit un baiser toutes les fois que j’aurois été docile à ses leçons.