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L’amour, me disoit-elle, n’existe que dans le cœur ; il est le seul principe de nos plaisirs, c’est en lui que se trouve la source de nos sentimens et de la délicatesse. Je ne comprenoit rien à ce discours, non plus qu’à cent mille autres mêlés de cette métaphysique qui régnoit dès lors dans le discours, et qui est si peu d’usage dans le commerce. J’étois plus content de petites confidences sur lesquelles elle éprouvoit ma discrétion ; j’en étois flatté : un jeune homme est charmé de se croire quelque chose dans la société. Elle me faisoit ensuite des questions sur la jalousie. La marquise, sous prétexte de m’instruire, vouloit savoir si je n’avois aucune idée sur un homme assez aimable qui étoit venu avec elle, et que je sus depuis être son amant ; mais, quoiqu’il n’eût au plus que quarante ans, je le jugeois si vieux, que j’étois bien éloigné d’imaginer qu’il eût avec elle d’autre liaison que celle de l’amitié. Il en avoit pourtant une des plus intimes ; il est vrai que dans ce moment elle le gardoit par habitude, et que, par goût elle me destinoit à être son successeur, ou du moins son associé : aussi, quand je lui demandai pourquoi il lui tenoit quelquefois des discours aigres et piquans, que je n’avois pu m’empêcher de remarquer, elle se contenta de me dire, qu’ayant été intime ami de son mari, l’amitié lui avoit conservé ces droits. Cette ré-