à la campagne, me la firent mieux connoître, et toujours à son avantage. Comme elle n’avoit jamais eu de goût pour son mari, elle soutenoit le veuvage avec plus de décence que d’affliction, et rien n’empêchoit son caractère de paroître dans tout son jour.
La comtesse de Selve avoit plus de raison que d’esprit, puisqu’on a voulu mettre une distinction entre l’un et l’autre, ou plutôt elle avoit l’esprit plus juste que brillant. Ses discours n’avoient rien de ces écarts qui éblouissent dans le premier instant, et qui bientôt après fatiguent. On n’étoit jamais frappé ni étonné de ce qu’elle disoit ; mais on l’approuvoit toujours. Elle étoit estimée de toutes les personnes estimables, et respectée de celles qui l’étoient le moins. Sa figure inspiroit l’amour, son caractère étoit fait pour l’amitié, son estime supposoit la vertu. Enfin la plus belle âme unie au plus beau corps, c’étoit la comtesse de Selve. J’aperçus bientôt tout ce qu’elle étoit, je le sentis encore mieux ; j’en devins amoureux sans le prévoir, et je l’aimois avec passion, quand je croyois simplement la respecter.
Je ne fus pas long-temps sans être au fait de mes sentimens. Il y avoit quelques jours que j’étois dans cette maison avec la comtesse, lorsqu’elle donna ordre qu’on tînt son équipage prêt