étoient supérieurs à tous ceux que je pouvois leur rendre : ils me goûtoient trop peu, et il avoit sacrifié le nécessaire. Que cet amant me paroissoit heureux ! Ces idées m’occupoient continuellement : je le remarquai ; j’en fus affligé, ou du moins inquiet. Je craignis qu’il ne se glissât dans mon cœur quelque sentiment jaloux ; mais je me rassurai bientôt. Je jugeai que ceux que Julie m’avoit inspirés, quoique tendres, étoient d’une nature bien différente de l’amour. Quelque belle qu’elle fût, quelque goût que j’eusse pour les femmes, son honneur étoit en sûreté avec moi. J’avois cherché toute ma vie à séduire celles qui couroient au-devant de leur défaite ; mais j’aurois regardé comme un viol d’abuser de la situation d’une infortunée, qui étoit née pour la vertu, et que son malheur seul livroit au crime.
Cependant, soit vertu, soit amour-propre, je n’a vois été qu’humain ; je voulus être généreux. Je résolus de respecter deux amans heureux, de les unir, et de partager leur félicité par le plaisir de la faire en assurant leur fortune et leur état.
On n’est point vertueux sans fruit. Je n’eus pas plutôt formé ce dessein, que je sentis dans mon âme une douceur que ne donnent point les plaisirs ordinaires.
Julie ne manqua pas de venir le lendemain