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me faire l’éloge de ce jeune homme, elle renchérit sur elle avec tant de vivacité, que je jugeai que la mère m’accusoit juste. Je leur demandai si ce jeune homme ne persistoit pas toujours dans les mêmes sentimens, et si leur état n’avoit point changé son cœur. Oh ! mon Dieu, non, reprit Julie ; les procédés qu’il a eus avec nous depuis la mort de mon père, méritent bien toute mon estime. Il a partagé avec nous, ajouta la mère, les revenus d’un petit emploi qu’il a ; mais je me suis aperçu qu’il s’incommodoit extrêmement, sans pouvoir nous fournir le nécessaire dont je vois qu’il se prive ; c’est ce qui nous a obligées de recourir à votre charité.

Je leur dis de me l’amener le lendemain, et les renvoyai ; mais ce ne fut pas sans leur imposer silence sur des remercîmens qu’elles vouloient toujours recommencer.

J’eus ce jour-là l’esprit encore plus occupé que je ne l’avois eu la veille. Je me rappelois sans cesse la beauté de Julie ; je songeois qu’elle aimoit, il étoit bien naturel qu’elle fût aimée. L’amour étoit né de l’inclination, fortifié par l’habitude, peut-être même par le malheur, qui unit de plus en plus ceux qui n’ont d’autre ressource que leur cœur. Les bienfaits de ce jeune homme devoient encore lui attacher sa maîtresse par les liens de la reconnoissance ; ses services