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pour moi qui cause votre frayeur ? Hélas ! monsieur, reprit la mère, j’ai cru devoir amener Julie pour remercier notre bienfaiteur ; nous n’osions l’une et l’autre envisager d’autres motifs. Mais… Je l’interrompis à l’instant ; son embarras ne me fit que trop connoître son idée ; je pensai que je devois épargner au malheur de la mère, à la pudeur de la fille, et à moi-même, une explication plus détaillée. Ne parlez plus, repris-je, du foible secours que je vous ai donné ; vous ne m’en devez point de reconnoissance, et je vous offre tous ceux dont vous pouvez avoir besoin. Prenez des sentimens plus consolans pour vous, plus flatteurs pour moi, et moins injurieux à nous trois. En leur parlant, je vis tout à coup paroître la sérénité sur leur visage, et particulièrement sur celui de la fille, que je considéroit avec plus d’attention et de liberté sitôt que ma présence ne la fit plus rougir : ou plutôt il me parut qu’elle ne sentoit pas des mouvemens moins vifs ; mais ils n’étoient ni douloureux ni humilians. Elles tombèrent l’une et l’autre à genoux auprès de mon lit ; leurs larmes ne s’arrêtèrent point, le principe seul en étoit changé. Elles parloient ensemble, et se confondoient dans leur remercîmens. Il sembloit que leur cœur ne pût suffire à leur joie ; elle éclatoit ; elles ne pouvoient l’exprimer ; leurs discours étoient sans