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figure de madame Derval, qui étoit charmante, lui assuroit toujours un amant ; l’inconstance naturelle aux amans heureux le lui faisoit bientôt perdre ; mais il ne la quittoit que pour faire place à un autre, dont le bonheur étoit aussi sûr et la constance aussi foible.

D’ailleurs le bon air étoit de l’avoir eue, et je voulus en passer ma fantaisie. Je comptois que ce seroit une affaire de quelques jours ; mais la bonté de son caractère, sa complaisance, ses attentions, ses caresses, son empressement pour moi m’arrêtèrent insensiblement. Je l’avois prise par caprice, je m’y attachai par goût ; et il y avoit déjà deux mois que je vivois avec elle sans songer à la quitter, lorsque je reçus un billet conçu en ces termes :

« Lorsque vous avez pris madame Derval, monsieur, j’étois dans le même dessein ; mais vous m’avez prévenu : votre fantaisie m’a paru toute simple, et j’ai pris le parti d’attendre qu’elle fût passée pour satisfaire la mienne. Cependant votre goût devroit être épuisé depuis deux mois ; un terme si long tient de l’amour, et même de la constance. J’espérais toujours que vous quitteriez madame Derval ; j’attendois mon tour ; et, dans cette confiance, j’ai rompu avec une maîtresse que j’aurois gardée. Vous êtes trop galant homme pour trou-