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femme dont la maison est livrée au jeu, s’engage ordinairement à plus d’un métier. Ce n’étoit pas encore ce qui me déplaisoit le plus. Il n’y a point de mauvaise compagnie en femmes qu’on ne puisse désavouer suivant les différentes circonstances ; mais on doit être plus délicat sur les liaisons avec les hommes. Malheureusement je trouvois encore chez ma maîtresse de ces chevaliers qui sont réduits à vivre brillamment à Paris, faute de pouvoir subsister dans leur province, dont ils sont quelquefois obligés de sortir par une mauvaise humeur de la justice.

À peine eus-je quitté celle dont je viens de parler, que je fus obligé d’en sacrifier une autre aux devoirs de la société. Madame Derval, c’étoit son nom, étoit ce qu’on appelle une bonne femme. Elle avoit le cœur droit, l’esprit simple, et de la candeur dans le procédé. Il étoit aussi nécessaire à son existence d’aimer que de respirer. Chez elle l’amour avoit sa source dans le caractère, et ne dépendoit point d’un objet déterminé. Il lui falloit un amant quel qu’il fût ; son cœur n’auroit pas pu en supporter la privation ; mais elle en auroit eu dix de suite, pourvu qu’ils se fussent succédés sans intervalle, qu’à peine se seroit-elle aperçu du changement. Elle aimoit de très-bonne foi celui qu’elle avoit, et conservoit les mêmes sentimens à son successeur. La