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Lorsque je vis qu’il n’y avoit pas autre chose à craindre, je sortis et j’attendois dans la rue pour voir la suite de cette aventure. J’y fus bien une heure sans voir paroître Senecé. Je ne pouvois pas imaginer ce qui le retenoit ; je ne croyois pas que le procédé de la Dornal exigeât une explication si longue ; ennuyé d’attendre, je me retirai chez moi.

Lelendemain j’écrivis à Senecé une lettre détaillée, dans laquelle je lui rendois un compte exact de ma conduite et de mes motifs ; je n’en reçus point de réponse. J’appris quelques jours après qu’il continuoit de revoir sa maîtresse. Je ne concevois pas comment elle avoit pu se justifier, ni qu’il eût été assez foible pour lui pardonner. Il m’a toujours évité depuis. Pour moi, après lui avoir fait faire de ma part toutes les avances possibles, j’ai cessé de le rechercher. J’ai su depuis que, le mari de la Dornal étant mort assez brusquement, Senecé avoit eu la lâcheté d’épouser cette vile créature. Comme il est parfaitement honnête homme, très-estimable d’ailleurs, et qu’il a été mon ami, je n’ai pu m’empêcher de le plaindre, et je le trouve trop puni.

J’ai compris par cette aventure qu’il est impossible de ramener un homme subjugué, et que la femme la plus méprisable est celle dont l’empire est le plus sûr. Si le charme de la