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les mêmes situations ; ne renoncez donc pas absolument à celle où je me trouve aujourd’hui.

Pour vous convaincre de ce que j’avance, il m’a pris envie de vous faire le détail des événemens et des circonstances particulières qui m’ont détaché du monde ; ce récit sera une confession fidèle des travers et des erreurs de ma jeunesse, qui pourra vous servir de leçon. Il est inutile de vous entretenir de ma famille que vous connoissez comme moi, puisque nous sommes païens.

Étant destiné par ma naissance à vivre à la cour, j’ai été élevé comme tous mes pareils, c’est-à-dire fort mal. Dans mon enfance, on me donna un précepteur pour m’enseigner le latin, qu’il ne m’apprit pas ; quelques années après, on me remit entre les mains d’un gouverneur pour m’instruire de l’usage du monde qu’il ignoroit.

Comme on ne m’avoit confié à ces deux inutiles, que pour obéir à la mode, la même raison me débarrassa de l’un et de l’autre ; mais ce fut d’une façon fort différente. Mon précepteur reçut un soufflet d’une femme de chambre à qui ma mère avoit quelques obligations secrètes. La reconnoissance ne l’empêcha pas de faire beaucoup de bruit, elle blâma hautement une telle insolence, elle dit à M. l’abbé qu’il ne devoit pas y être exposé davantage, et il fut congédié.

Mon gouverneur fut traité différemment : il