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avec une rougeur qui ne lui convenoit guère. Je me jetai à ses genoux, et lui fis entendre, par mes remercîmens, qu’elle venoit de s’engager avec moi.

Les préliminaires d’une intrigue ne languissent pas avec une femme consommée ; les retardemens auroient eu un air d’enfance dont la vertueuse Dornal étoit fort éloignée. En peu de jours nos affaires furent réglées, et il fut arrêté qu’on me donneroit la première nuit que Senecé passeroit à Versailles.

Ce qu’il y a de singulier, c’est qu’il n’étoit content de sa maîtresse que depuis qu’elle s’éloignoit de lui : ce n’étoit pas mon compte ; pour l’exécution de mon projet, il falloit qu’il fût jaloux. J’affectois inutilement d’avoir devant lui un air d’intelligence avec sa maîtresse ; nous nous lancions de ces regards qui dévoilent tant de mystères et trahissent les amans ; tout cela échappoit au tranquille Senecé. Un jour il me dit qu’il comptoit aller le lendemain à Versailles pour les affaires de son régiment. J’évitai de me trouver ce jour-là à souper avec lui chez la Dornal. Je ne doutai point qu’elle ne m’avertît du voyage, et je voulois la mettre dans la nécessité de me l’écrire : je ne me trompai point. Dès le lendemain matin je reçus d’elle un billet très-galant, et encore plus clair, par lequel elle me