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vois mon dessein, je ne parus pas faire attention à la mauvaise grâce dont elle me fut accordee.

Pendant la comédie, je fis à la Dornal quelques politesses qui commencèrent à la calmer ; je les augmentai par degrés ; enfin, soit qu’elle attribuât mon procédé au remords de lui avoir déplu, soit qu’elle aimât encore mieux me gagner que d’avoir à combattre contre moi dans le cœur de Senecé, elle finit par me faire un accueil assez flatteur. Je lui offris la main pour la conduire à son carrosse ; elle l’accepta, et me demanda si je ne venois pas souper avec eux. J’y consentis, et Senecé m’en parut charmé. Le souper se passa fort bien ; je fis à la Dornal plusieurs agaceries auxquelles elle répondit ; et nous nous séparâmes meilleurs amis que nous ne l’avions jamais été. J’y retournai le lendemain, je fus encore mieux reçu que la veille. Je tins la même conduite pendant plusieurs jours, et je n’oubliai rien pour lui persuader que j’étois amoureux d’elle. J’y allois dans l’absence de Senecé, et je voyois qu’elle lui faisoit mystère de mes visites. Il me dit qu’il vivoit plus tranquillement avec elle, et que, si elle continuoit à le traiter avec autant de douceur, il seroit le plus heureux des hommes. Je compris facilement la raison de ce changement ; mais je me gardai bien de la lui dire : il n’étoit pas encore temps.