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ques ennuyeux qui n’étoient bons qu’à vivre avec elles. Pour le mari, c’étoit une espèce d’imbécile qu’on faisoit manger en particulier, quand sa présence pouvoit incommoder. Cela ne faisoit pas une maison fort amusante ; mais, quand la compagnie auroit été capable de m’y attirer, la maîtresse étoit faite pour en écarter tout honnête homme. C’étoit un composé de fausseté, d’envie et d’impertinence. Elle avoit eu plusieurs amans dans sa jeunesse, et n’en avoit jamais aimé aucun ; elle n’en étoit pas digne, son cœur n’étoit fait que pour le vice. Elle auroit été trop dangereuse si elle eût eu de l’esprit : heureusement elle n’en avoit point ; ce n’est pas qu’elle n’y prétendît. Elle vouloit même paroître vive, parce qu’elle s’imaginoit que cela lui donnoit un air de jeunesse et d’esprit, et la vivacité qui n’en vient pas ajoute encore à la sottise. Je ne concevois pas l’aveuglement de Senecé, ni qu’on pût être attaché à une femme sans jeunesse, et dont l’âme auroit enlaidi la beauté même. Je crus qu’il étoit du devoir de l’amitié d’ouvrir les yeux à mon ami ; un attachement indigne commence par donner un ridicule à un homme, et finit par le rendre méprisable. Je n’ignorois pas qu’une pareille entreprise étoit délicate avec un homme amoureux, et j’étois fort embarrassé. Ce qui me détermina fut de voir que Senecé rompoit