Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

extraction aussi basse, en avoit toute la grossièreté qu’on avoit négligé de corriger par l’éducation. Les grandes fortunes se commencent souvent en province ; mais ce n’est qu’à Paris qu’elles s’achèvent, et qu’on en jouit. M. Ponchard avoit achevé de gagner à Paris un million d’écus, et sa femme y avoit apporté un million de ridicules. Elle n’étoit plus occupée qu’à s’enrichir encore de ceux des femmes de condition ; mais elle n’en saisissoit pas les grâces, qui seules les font pardonner à celles-ci. Comme elle avoit remarqué que presque toutes les femmes du monde avoient des amans, elle en voulut avoir aussi, et ce fut dans ces dispositions que je la trouvai. Elle me jugea digne d’elle, et la facilité de sa conquête me détermina, d’autant plus qu’elle étoit assez bien de figure, quoiqu’elle ne fût pas aimable.

Chaque chose à sa langue ; celle de l’opulence m’étoit inconnue, et j’eus le temps de l’étudier sous M. Ponchard. Il ne parloit que d’or et d’argent, comme un gentilhomme de campagne ne parle que de généalogies. Il étoit confiant dans ses propos ; son ton étoit décidé, et son triomphe étoit à table, dont la chère, quoiqu’abondante, ne laissoit pas d’être délicate. Il y avoit aussi du goût dans ses meubles ; et il s’en trouve nécessairement dans toutes les maisons opu-