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bien j’en étois incapable ; elle blâma cette modestie, et m’assura qu’avec ses conseils je ferois d’excellens ouvrages. Je n’en crus rien ; mais, par complaisance, je me mis à travailler. Dans ce temps-là Dufresny, qui étoit un peu engagé dans notre société, nous proposa d’essayer sur notre théâtre sa comédie du Mariage fait et rompu, avant de la donner au public ; on l’accepta, et on la joignit à la mienne. Dix ou douze spectateurs choisis furent admis à cette représentation ; ma pièce réussit au mieux, et celle de Dufresny fut trouvée détestable. Je fus moi-même indigné d’un jugement si déraisonnable ; je pris seul le parti de la comédie de Dufresny. La dispute s’échauffa tellement à ce sujet, que madame de Tonins voulut absolument faire donner ma pièce aux comédiens françois en même temps que le Mariage fait et rompu. Je voulus en vain m’y opposer, et lui représenter que c’étoit un ridicule de plus que je me donnerois ; que les gens de mon état n’étoient point faits pour devenir auteurs, parce qu’ordinairement ils n’y réussissent pas ; et que, s’ils l’étoient par complaisance pour l’amusement d’une société, ils ne devoient jamais se donner en public. Madame de Tonins me cita quelques exemples de gens à peu près de ma sorte qui avoient bravé avec succès ce préjugé, et me promit que jamais on ne me connoî-