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de Tonins y applaudit : chacun suivit son exemple, et je devins le héros de la plaisanterie dont j’étois auparavant la victime. Le souper finit bientôt après. On parla alors de deux romans nouveaux et d’une comédie que l’on jouoit depuis quelques jours ; on me demanda mon avis. Comme j’ai toujours été plus sensible au beau qu’au plaisir de trouver des défauts, je dis naturellement que dans les deux romans j’avois trouvé beaucoup de choses qui m’a voient fait plaisir ; et que la comédie, sans être une bonne pièce, avoit de grandes beautés. Madame de Tonins prit la parole pour faire la critique de ce que je venois de louer. Je voulus défendre mon sentiment, et je cherchai des yeux quelqu’un qui pût être de mon avis. J’ignorais qu’il n’y en avoit jamais qu’un dans cette société. Madame de Tonins, peu accoutumée à la contradiction, soutint son opinion avec aigreur, et la compagnie en chœur applaudissoit sans cesse à tout ce qu’elle disoit. Je pris le parti de me taire, m’apercevant un peu trop tard que le ton de cette petite république étoit de blâmer généralement tout ce qui ne venoit pas d’elle, ou qui n’étoit pas sous sa protection. Je reconnus cette vérité à l’éloge qu’on fit de trois ou quatre ouvrages qui m’a voient paru, ainsi qu’au public, au-dessous du médiocre. Je résolus donc de me conduire à