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soin du jeu, et ils éprouvoient que la nécessite d’avoir toujours de l’esprit, est aussi importune que celle de jouer toujours. Le jeu devint la matière d’une dissertation qui dura jusqu’au souper. Les discours de la table étoient d’une autre nature ; toute dissertation, et même toute conversation suivie en étoient bannies. Il n’étoit, pour ainsi dire, permis de parler que par bons mots. Madame de Tonins et ses adorateurs partirent en même temps : ce fut un torrent de pointes, de saillies bizarres et de rires excessifs. On tiroit l’élixir des moins mauvais ; on renchérissoit sur les plus obscurs. Je cherchois à entendre et à pouvoir dire quelque chose ; mais, lorsque j’avois trouvé un mot, je m’apercevois que la conversation avoit déjà changé d’objet. Je voulus prier celui qui étoit à côté de moi de me tirer de peine, et de m’aider du moins à entendre ce qu’on disoit. Il me fit, en riant, un discours beaucoup moins intelligible que tous ceux qu’on avoit tenus jusqu’alors. Le rire étonnant qu’il excita, ne servit qu’à me déconcerter, et je fus tenté un moment de le prendre au sérieux ; mais, craignant de me donner un ridicule, je pris le parti de répondre sur un pareil ton, quoique je le trouvasse détestable. Je me livrai à ma vivacité naturelle ; je répliquai, par quelques traits assez plaisans, à ceux qu’on me lançoit ; madame