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cence ; dans la province, ils exigent des services ; ce n’est pas qu’on s’y aime plus qu’à Paris, on s’y hait souvent davantage, mais on y est plus parent : au lieu que dans Paris, les intérêts croisés, les événemens multipliés, les affaires, les plaisirs, la variété des sociétés, la facilité d’en changer ; toutes ces causes réunies empêchent l’amitié, l’amour ou la haine d’y prendre beaucoup de consistance.

Il règne à Paris une certaine indifférence générale qui multiplie les goûts passagers, qui tient lieu de liaison, qui fait que personne n’est de trop dans la société, que personne n’y est nécessaire : tout le monde se convient, personne ne se manque. L’extrême dissipation où l’on vit, fait qu’on ne prend pas assez d’intérêt les uns aux autres, pour être difficile ou constant dans les liaisons.

On se recherche peu, on se rencontre avec plaisir ; on s’accueille avec plus de vivacité que de chaleur ; on se perd sans regret, ou même sans y faire attention.

Les mœurs font à Paris ce que l’esprit du gouvernement fait à Londres ; elles confondent et égalent dans la société les rangs qui sont distingués et subordonnés dans l’état. Tous les ordres vivent à Londres dans la familiarité, parce que tous les citoyens ont besoin les uns