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que les mœurs d’une nation forment précisément le caractère national.

Les peuples les plus sauvages sont ceux parmi lesquels il se commet le plus de crimes : l’enfance d’une nation n’est pas son âge d’innocence. C’est l’excès du désordre qui donne la première idée des lois : on les doit au besoin, souvent au crime, rarement à la prévoyance.

Les peuples les plus polis ne sont pas aussi les plus vertueux. Les mœurs simples et sévères ne se trouvent que parmi ceux que la raison et l’équité ont policés, et qui n’ont pas encore abusé de l’esprit pour se corrompre. Les peuples policés valent mieux que les peuples polis. Chez les barbares, les lois doivent former les mœurs : chez les peuples policés, les mœurs perfectionnent les lois, et quelquefois y suppléent ; une fausse politesse les fait oublier. L’état le plus heureux seroit celui où la vertu ne seroit pas un mérite. Quand elle commence à se faire remarquer, les mœurs sont déjà altérées, et si elles deviennent ridicules, c’est le dernier degré de la corruption.

Un objet très-intéressant seroit l’examen des différens caractères des nations, et de la cause physique ou morale de ces différences ; mais il y auroit de la témérité à l’entreprendre, sans connoître également bien les peuples qu’on vou-