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mauvais ton, ce qui lui arriva bien quelquefois[1]. Il étoit ennemi de la contrainte à un tel degré que, pour s’en affranchir, il auroit commis plus que des impolitesses. Un homme se plaignoit à lui de s’être fort ennuyé à un sermon prêché dans la chapelle de Versailles. Pourquoi, lui dit Duclos, êtes-vous resté jusqu’à la fin ? — J’ai craint de déranger l’auditoire et de le scandaliser. Ma foi, reprit Duclos, plutôt que d’entendre un mauvais sermon, je me serois converti au premier point. On se rappelle qu’il détestait M. de Calonne, et pour quel motif. Un de ses amis l’invite à dîner sans le prévenir que M. de Calonne doit en être. On annonce celui-ci ; il entre : Duclos qui étoit déjà arrivé, ne l’a pas plutôt aperçu, qu’il prend son épée et son chapeau, va au maître de la maison, lui dit tout haut en face du nouveau convive : Vous ignoriez donc, monsieur, que je ne pouvois pas me trouver avec cet homme-là ? et sort aussitôt sans attendre de réponse.

Quelques lecteurs, habitués à ne voir que des panégyriques absolus dans toutes les notices consacrées aux personnages célèbres, pourront s’étonner de ce que nous avons cité plusieurs traits de Duclos, qui, sans ternir sa mémoire, du moins ne l’honorent pas. Ils penseront peut-être qu’une envie indiscrète de tout dire, a égaré notre zèle et trompé notre intention ; car ils ne peuvent nous supposer des vues malignes. Que ces lecteurs se rassurent : nous avons voulu retracer les défauts de Duclos comme ses qualités, ses travers comme ses agrémens, et nous serions bien surpris à notre tour qu’il perdît quelque chose à être connu tout entier. Lui-même ne le craignoit pas. Les Confessions du

  1. Voici comme M. de La Harpe le peint dans la jolie pièce de vers qui a pour titre : l’Ombre de Duclos. C’est Duclos lui-même qui parle :

    ......Je fus véridique,
    Peu courtisan, mais excellent buveur,
    Très-bon convive, un peu brusque et parleur,
    Et dans le vin sur-tout plein d’éloquence.
    ............
    Piron et moi, de la vieille méthode
    Nous fûmes seuls fidèles sectateurs,
    Et les derniers des beaux-esprits buveurs.