turel de se ressouvenir des bons et des mauvais services.
Si le simple souvenir du bien et du mal qu’on a éprouvé, étoit la règle du ressentiment qu’on en garde, on auroit raison ; mais il n’y a rien de si différent, et même de si peu dépendant l’un de l’autre. L’esprit vindicatif part de l’orgueil souvent uni au sentiment de sa propre foiblesse ; on s’estime trop, et l’on craint beaucoup. La reconnoissance marque d’abord un esprit de justice ; mais elle suppose encore une âme disposée à aimer, pour qui la haine seroit un tourment, et qui s’en affranchit plus encore par sentiment que par réflexion. Il y a certainement des caractères plus aimans que d’autres, et ceux-là sont reconnoissans par le principe même qui les empêche d’être vindicatifs. Les cœurs nobles pardonnent à leurs inférieurs par pitié, à leurs égaux par générosité. C’est contre leurs supérieurs, c’est-à-dire, contre les hommes plus puissans qu’eux qu’ils peuvent quelquefois garder leur ressentiment, et chercher à le satisfaire : le péril qu’il y a dans la vengeance leur fait illusion, ils croient y voir de la gloire. Mais ce qui prouve qu’il n’y a point de haine dans leur cœur, c’est que la moindre satisfaction les désarme, les touche et les attendrit.
Pour résumer en peu de mots les principes