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avoir fait illusion au public, se la font ensuite à eux-mêmes, et en prennent avantage pour exercer leur empire sur de timides complaisans ; la supériorité du rang favorise l’erreur à cet égard, et l’exercice de la tyrannie la confirme. On ne doit pas s’attendre que leur amitié soit le retour d’un dévouement servile. Il n’est pas rare qu’un supérieur se laisse subjuguer et avilir par son inférieur ; mais il l’est beaucoup plus qu’il se prête à l’égalité, même privée ; je dis l’égalité privée ; car je suis très-éloigné de chercher à proscrire, par une humeur cynique, les égards que la subordination exige. C’est une loi nécessaire de la société, qui ne révolte que l’orgueil, et qui ne gêne point les âmes faites pour l’ordre. Je voudrois seulement que la différence des rangs ne fût pas la règle de l’estime comme elle doit l’être des respects, et que la reconnoissance fût un lien précieux qui unît, et non pas une chaîne humiliante qui ne fît sentir que son poids. Tous les hommes ont leurs devoirs respectifs ; mais tous n’ont pas la même disposition à les remplir ; il y en a de plus reconnoissans les uns que les autres, et j’ai plusieurs fois entendu avancer à ce sujet une opinion qui ne me paroît ni juste, ni décente. Le caractère vindicatif part, dit-on, du même principe que le caractère reconnoissant, parce qu’il est également na-