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Mais il n’en est pas ainsi dans l’état d’humiliation où l’on est réduit par un bienfaiteur orgueilleux ; comme il faut alors souffrir sans se plaindre, mépriser et honorer son tyran, une âme haute est intérieurement déchirée, et devient d’autant plus susceptible de haine, qu’elle ne trouve point de consolation dans l’amour-propre ; elle sera donc plus capable de haïr que ne le seroit un cœur bas et fait pour l’avilissement. Je ne parle ici que du caractère général de l’homme, et non suivant les principes d’une morale épurée par la religion.

On reste donc toujours, à l’égard d’un bienfaiteur, dans une dépendance dont on ne peut être affranchi que par le public.

Il y a, dira-t-on, peu d’hommes qui soient un objet d’intérêt ou même d’attention pour le public. Mais il n’y a personne qui n’ait son public, c’est-à-dire une portion de la société commune, dont on fait soi-même partie. Voilà le public dont on doit attendre le jugement sans le prévenir, ni même le solliciter.

Les réclamations ont été imaginées par les âmes foibles ; les âmes fortes y renoncent, et la prudence doit faire craindre de les entreprendre. L’apologie, en fait de procédés, qui n’est pas forcée, n’est dans l’esprit du public que la précaution d’un coupable ; elle sert quelquefois